lundi 21 juillet 2008

Summer in the City





S'il fallait trouver l'équivalent, en images, des romans policiers très fifties de ce New-Yorkais qui troqua un nom de tailleur italien (Salvatore Lombino) contre un nom de flic irlandais (Ed McBain), ce serait peut-être les photographies de Weegee: même description crue des dures réalités d'une métropole socialement contrastée, même humour macabre, même désabusement souriant.










Ed McBain: les cinéphiles le connaissent sous le nom d'Evan Hunter, scénariste du puissant Graine de Violence de Richard Brooks, et des Oiseaux d'Hitchcock; les amateurs de polars, eux, le vénèrent pour la série du 87ème district: soit des centaines d'histoires de flics, de voyous... et de gens ordinaires, qui mettent en scène les détectives Steve Carella, Meyer Meyer, Willis. Chez Ed McBain, New York n'est pas tout à fait New York mais Isola, ville à peine fictive.





A l'inverse des détectives «durs à cuire» à la Philip Marlowe, les héros de McBain sont faillibles, «doux-amers, lyriques, parfois même sentimentaux». Modernes, en quelque sorte. Voilà pourquoi ils n'ont pas vieilli, voilà pourquoi j'ai lu, en 1998, à quinze ans à peine, les Chroniques du 87ème district, toutes compilées chez Omnibus. Je les ai enchaînées pendant l'été 1998, sous un soleil écrasant, sur une terrasse en face du palais de justice de Carpentras. A l'époque la France était championne du monde, et moi je lisais Le paradis des ratés, Victime au choix, ou Du balai...


Et dix ans plus tard, que vois-je ? Qu'on édite un recueil de nouvelles inédites, Le goût de la mort. (en anglais Learning to kill, brrr). Rédigées entre 1952 et 1957, quand le jeune McBain écrivait pour un quart de cent le mot, (!) elles mettent en scène des flics aux noms curieusement familiers : Marelli, Willis, Ed... Et on y trouve, en vrac : des bandes de jeunes et leur sens de l'honneur (dans l'excellent Regardez-le mourir); des clubs enfumés de Chinatown (Mort et bien mort); ou un petit Caïn new-yorkais délicieusement inquiétant (Meurtre d'un gamin).









Et le coeur du poulet*, dans cette histoire, c'est que McBain présente chaque nouvelle par des textes d'introduction plein d'humour et d'humilité, écrits quelques temps avant sa mort en 2005. Par exemple, on apprend dans l'un d'eux qu'il s'est un temps essayé aux histoires de détectives privés, mais, qu'hélas, la mayonnaise n'a pas pris.

C'est ainsi qu'il nous raconte, juste avant de nous livrer l'histoire un peu ratée de son détective Matt Cordell: «Quand on commence à écrire des parodies d'histoires de détectives privés, c'est le moment d'arrêter d'en écrire».

Et de s'arrêter aussitôt. Quel homme !




Ed Mc Bain, Le goût de la mort. Traduit de l'américain par Zach Adamanski. Bernard Pascuito Editeur, 21 euros. 336 pages.

* Expression signifiant «le plus beau». C'est bien le seul endroit où je peux l'utiliser...


Musique : The Heart's filhty lesson de David Bowie. (sur l'album Outside, sorti en 1995). Souvenez-vous : on pouvait entendre cette chanson troublante dans le film Seven, de David Fincher.

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