dimanche 23 juillet 2006

Jeux interdits




Ne pas s'impatienter de lire les romans de la rentrée.

Dans quelques semaines, nous serons peut-être nauséeux, à force de lire dans les magazines ou les journaux "Les bonnes feuilles de l'automne", "Le dernier opus de Nancy Huston est brillant" ou encore "Alice Ferney, encore une fois, par une prose subtile et nuancée, bouleverse notre rapport au monde". On peut bien attendre septembre pour savoir que le nouveau personnage d'Amélie Nothomb s'appelle Péroxyde, ou Apostat.
Donc, en attendant, on peut lire des romans périmés (c'est-à dire, ceux sortis en juin).
Il y en a un que j'aime bien. C'est La prise de Makalé, d'Andrea Camilleri. C'est l'histoire d'un petit garçon italien sous Mussolini, qui est fasciste. C'est comme ça. C'est un sale petit facho, un Ballila qui rêve d'enfoncer son mousqueton dans le corps d'un communiste, et qui est follement endoctriné. Et consentant, pour autant que l'on soit consentant à sept ans. Michilino est plutôt perdu dans sa foi catholique, son endoctrinement fasciste dû largement à un père secrétaire politique, des assauts sexuels donnés par des adultes, des photos de Mussolini dans la salle de classe.
Michilino vit toutes les inquiétudes de l'enfance : sa curiosité est toujours étouffée par des interdits moraux, ou religieux. Comme cette scène assez haletante où il tente d'écouter une conversation de ses parents car il sent bien qu'il se passe quelque chose, mais il recule tout de suite. C'est qu'il a entendu une petite voix.

"Il approcha son visage de l'entrebaillement et recula aussitôt.
Le petit garçon qui aime Jésus et qui est obéissant
N'écoute pas les conversations des grands"


Andrea Camilleri est quand même courageux, parce que c'est difficile de raconter la vie d'un enfant anti-héros. Michilino n'est pas Oliver Twist ni le Petit Prince. Michilino est un petit salaud. On se doute que les adultes sont responsables; mais ce qui me rassure, c'est que Camilleri accuse les fanatiques, pas les hommes.

C'est déjà ça.

Andrea Camilleri, La prise de Makalé, Fayard, 18 euros.