mardi 12 juin 2007

Ne pas se moucher du coude.





Drôle de livre que cette réédition en poche d'un classique des bonnes manières, publié en 1927. C'est celui de la baronne Staffe. Qu'on se le dise : ce livre est une imposture. Cette Baronne Staffe n'a de baronne que le nom : elle s'appelle en fait Blanche Soyer et elle ne fut même pas mariée.

Peuh !


Toutefois, la Baronne excelle à édicter certaines règles de savoir-vivre dont beaucoup ne sont pas désuètes. Oui, l'avait-on oublié? Le savoir-vivre, c'est aussi la délicatesse, l'attention à l'autre. C'est difficile. Il faut tout à la fois, ne pas être obséquieux, et ne pas être malpoli. La mesure est indispensable aux bonnes manières, et ceci n'a pas changé depuis le traité de Versailles. Mais reconnaissons le tout de suite, "ça a vieilli" comme on dit. Exemple avec ce portrait de la jeune fille "bien comme il faut" des années 1920.

"Elle n'est peut-être pas entièrement heureuse, mais elle n'a pas cherché de consolations coupables. Toutefois, elle ne fait pas parade de sa vertu, et personne n'est plus qu'elle indulgente aux autres femmes. Elle accomplit son devoir simplement, elle sait que le bonheur complet n'existe pas et elle n'a pas fait de rêves impossibles, ou, du moins, elle les a étouffés".


Délicieux programme.

Cela me donne envie de m'allonger et de penser à l'Angleterre.

Finalement, je ne peux que vous recommander ma Baronne, juste pour le plaisir de constater à quel point notre société, et donc nos aspirations, ont changé en cent ans. Après Staffe il y a eu les guerres, le capitalisme, le MLF, l'indivudualisme, la quête du bonheur, la démocratisation de la culture. A l'époque de Blanche Soyer, nous aurions été nombreux à être femme de chambre ou cocher. Nous pouvons désormais, dans la mesure du possible, aspirer au bonheur complet. C'est une chance. Ne l'oublions pas.



Usages du monde, Règles du savoir-vivre dans la société moderne
, par la baronne Staffe, collection Texto, 8 euros.

vendredi 8 juin 2007

Je me souviens...



… De ce poème de Desnos*.

« Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête
Ca n’existe pas, ça n’existe pas »
.


Nostalgie des récitations d’enfant. Droit comme un I
devant le tableau. Voix fluette, sourire crispé,
genoux cagneux. On commence. « La fourmi » La
maîtresse attend. « De Robert Desnos.»

Voici, réédités dans une anthologie pour enfants, les
œuvres du poète.

Tout le monde sait que Desnos ne s’adresse pas aux
enfants. La preuve.

AU MOCASSIN, LE VERBE

« Tu me suicides, si docilement.
Je te mourrai pourtant un jour.
Je connaîtrons cette femme idéale
Et lentement je neigerai sur sa bouche
Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard,
Même si je fais beau temps
Nous aimez si peu nos yeux
Et s’écroulerai cette larme sans
raison bien entendu et sans tristesse.
sans. »

C’est joli, non ?

Il faut relire Desnos, et par cette jolie anthologie
de 65 poèmes, parce qu’elle est pleine de couleurs.
Parce que les lettres sont grosses, et permettent
d’apprécier les mots qu’on lit. Parce que cette
anthologie est belle et incongrue.


Poèmes de Robert Desnos. Illustrations de Frédéric Benaglia. Bayard Jeunesse, dès 9 ans... 102 p. 17,90 euros.

*Et pourquoi Fantômas ? Parce que Desnos l'adorait.