jeudi 10 avril 2008

Going West





(La B.O de ce billet reflète parfaitement mon humeur = excellente).


Ah, la bonne vieille série des Chroniques de San Francisco... J'avais dévoré, le temps d'un été brûlant, les six tomes des aventures californiennes de Michael Tolliver, d'Anna Madrigal, de Mona, Brian et tous les autres, des années hippie aux années sida.


Années hippie contre années sida ? Cela fait un peu clicheton, c’est vrai. Sauf qu’Armistead Maupin ne caricature pas les choses comme je le fais ici; et il y a plus chez lui que la simple évocation de la communauté gay californienne. C'est d’abord un merveilleux conteur, et les Chroniques sont de merveilleux romans-feuilletons. Comme le furent en leur temps ceux de Dickens ou d'Alexandre Dumas, véritables best-sellers, et surtout, véritables page turner.)
(Page turner; quel affreux terme! Comme s'il fallait associer à la lecture d'un roman une sorte de boulimie, de bibliophagie. Tourner les pages par addiction, jusqu'à la fin, comme on s'enfile une tablette de chocolat! Je dis qu'il y a dans ce terme un véritable désir dévorant de consommation, qui n’a rien à voir avec la lente lecture contemplative d’un grand roman. Yuck.)

Mais enfin, j'envisageais la sortie de Michael Tolliver est vivant, tome VII de la série, publié vingt ans après le tome VI, (le mal-nommé Bye Bye Barbary Lane), avec une sorte de crainte expectative. Comment, en effet, lorsqu'on a décrit ces années mythiques (et mythifiées), parler de la San Francisco du XXIème siècle, où tous les bars sont non fumeurs, où la tolérance envers l’homosexualité et l’amour libre a régressé, (tout de même), bref comment écrire des Chroniques de San Francisco dans l'Amérique de George Bush et dans l'Etat de Schwarzenegger?

Fort heureusement, la chose n'est pas impossible. Michael Tolliver est toujours vivant et les combats ne sont pas terminés: sauf qu’en 2005, la guerre en Irak a remplacé celle du Vietnam. C’est aussi simple que cela. Et notre pépiniériste préféré, à cinquante piges, ne fume plus de joints (beurk la fumée), mais inhale de la marijuana à l’aide de vaporisateurs. C’est plus sain.

Sinon, Anna Madrigal est toujours là, mais pour le reste, je ne vous dis rien. Je ne voudrais pas gâcher le suspense, car Maupin, vingt ans après, n’a rien perdu de ses qualités de conteur.
Et ce qui me plaît par dessus tout, c’est qu’il reste subversif. En témoigne une très belle scène d’amour à trois, entre Michael, son mari Ben, et un jeune homme déniché dans un bar. Ne vous fiez pas à ce pitch un peu glauque : car dans la description de ladite scène, on n’est ni dans la surenchère porno, ni dans une forme de pruderie à l’américaine, mais dans un joyeux trio sexuel, franc et hédoniste (mais avec capotes). Citation : « Il a joui à quatre pattes mon petit foutreur, sans même se branler, pendant que Patreese le sautait. Je le sais, j’étais en dessous, j’ai reçu son jus et je l’ai embrassé, en proie à un bien-être fabuleux. Patreese l’a plus ou moins baisé dans mes bras et Ben est resté comme ça un moment, il riait de plaisir, et son cœur battait à tout rompre contre mon torse. »
Connaissez vous beaucoup de romans contemporains, -français ou étranger-, où l’amour libre soit si bien raconté, sans aigreur, sans rancœur, tout simplement ? Quarante ans après la libération des mœurs ? Cela fait réfléchir. Et au moins pour cette raison, les romans de Maupin, à défaut d’être des chef-d’œuvres inoubliables, méritent amplement d’être lus.



Armistead Maupin, Michael Tolliver est vivant. L’Olivier. 20 euros.




* Illustration : Le Rainbow Flag.

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