jeudi 27 mars 2008

Patti Smith forever




Je sors de l'expo Patti Smith à la Fondation Cartier.


Elle était là, petit Rimbaud américain, godillots aux pieds, chemise blanche, gilet noir et cheveux filasses. Elle vit à deux pas et on dirait que la fondation Cartier a été faite pour abriter... elle, sa vie, ses photos du cimetière, du quartier de Montparnasse, tranquillement, dans une douce élégance. J'ai contemplé, émue, ces polaroïds nus et beaux, de statues, de châteaux au Portugal, de tombes... Qui évoquent Rimbaud, Artaud, Cendrars, Brancusi et sa ronde pureté....






... Whitman et sa fougue poétique, William Blake, ou encore l'impassibilité de Lisbonne.




Oui, Patti Smith a un univers poétique bien à elle, rock'n'roll, spiritualiste, lyrique. Superbe. Et pour nous signifier que nous sommes chez elle, chez nous, elle a fait installer, en plein coeur de la salle d'exposition, un vieux canapé en cuir et quelques tapis afghans...

Que dire d'autre ?



Patti Smith à la Fondation Cartier, du 28 mars au 22 juin 2008. 261 boulevard Raspail. 75014 Paris. 01 42 18 56 50.

mercredi 19 mars 2008

Causeries de Salon

UNE COMÉDIE EN TROIS ACTES




(Foule attendant au stand du Dilettante pour se faire dédicacer le dernier roman d'Anna Gavalda, La consolante).




Acte I

Dimanche 16 mars. 15 heures.
Mon premier Salon du livre! Je n'avais jamais eu l'occasion d'y aller avant cette année. Autant dire que j'attendais cela comme un événement. Je n'ai pas été déçue... D'abord, je me suis rendue compte que même si tout me monde adore lire, et s'impatiente de ce TEMPS FORT LITTÉRAIRE comme moi, il est pourtant de bon ton de le dénigrer. Trop populaire. Trop grouillant de visiteurs. Trop tout, quoi. Le parc des expositions, porte de Versailles? Un hangar à bestiaux. «Je vais vous dire, me confie au téléphone une participante, cela fait trois semaines que je le prépare, je ne pense qu'à ça; mais en vérité, je ne SUPPORTE pas le Salon du livre». Difficile pourtant de ne pas sentir une petite excitation dans cette voix faussement lasse. Moi, à l'inverse, à l'entrée du salon dimanche, j'étais franchement excitée.

16 h 40
A peine arrivée je me rue, pour une raison que j'ignore, au stand Gallimard.

16 h 45
Je suis délogée du stand Gallimard par des policiers qui nous expliquent qu'il faut absolument évacuer les lieux.

16 h 50
Je reste plantée au stand Gallimard, essayant minablement de grapiller quelques moments de flânerie littéraire avant que les policiers ne se fâchent.

16 h 55
Je croise un ami qui m'explique que c'est une alerte à la bombe et qu'il vaut mieux quitter les lieux.

17 heures
Je pars boire une menthe à l'eau avec mon ami dans un café perdu du XVème arrondissement. Je me rends compte que tous les clients de ce bar portuguais sont des exilés du Salon. Le serveur, le front luisant, ne sait plus où donner de la tête.

18 heures

Je rentre chez moi en maugréant. Aurais mieux fait d'aller à la Hune pour trouver des bouquins.



Acte II



Mardi 17 mars, 19 heures

Cette fois-ci, c'est la fameuse «nocturne». Tout le monde est là : éditeurs, écrivains, journalistes, visiteurs... Apéro à volonté. C'est un peu le climax, (comme on dit pour les pièces de théâtre shakespeariennes), de quelques jours absolument intenses d'un point de vue littéraire. Le moment où tout le monde se relâche. Donc, après mon travail, je prends le métro, pour rejoindre mon amie Juliette, qui aime lire autant que moi, et une autre amie, et puis un autre ami... Je suis confiante.

19 h30
Je mets un temps fou à trouver Juliette, et soudain, je vois une foule immense envahir les allées, les flashes crépitent, j'entends des cris et des applaudissements, quelle ménagerie je me dis, quel est l'écrivain qui suscite autant d'engouement, franchement à ce niveau-là c'est quasiment de l'hystérie, et puis je tourne la tête, c'est le stand Grasset, c'est Ségolène Royal.

20 heures
Juliette a soif.


20 h 10

Juliette se fait refouler du stand Joëlle Losfeld pour avoir demandé, tout sourire, une coupe de champagne. «Vous n'avez qu'à acheter nos bouquins» maugrée l'un des hommes du stand.

20h50
J'observe l'attitude typique des gens du milieu de l'édition en situation; je m'amuse de certains écrivains dits "à réseaux" (oh, pas tous), balayant la salle du regard, cherchant une oreille, un journaliste, un éditeur, un autre écrivain, bref quelqu'un d'intéressant à qui parler.

21 h
Juliette s'apprête à quémander du champagne au stand Lagardère. C'est une sorte de cube en verre, avec dedans des gens en costume chic, allure très droite décomplexée et lunettes carrées Bac + 32. «T'es sûre?» je lui dis. «Nan, t'as raison, ils ont pas l'air sympa».

21h12
Au stand Zulma, je félicite un écrivain israélien, Benny Barbash, pour son roman My First Sony, qui obtenu le prix Grand public-Salon du livre d'ailleurs... en rougissant jusqu'aux oreilles.

21h45
Juliette : «J'en peux plus, c'est vraiment tous des cons, quel milieu de merde, moi je m'en vais».

21 h 56
Juliette : «Je t'assure, je m'en vais, et n'essaie pas de me retenir, en plus j'ai faim».


Acte III



22h
Sur le quai du tram Porte de Versailles avec Juliette-épuisée-morte-de-faim et un ami photographe hilare. Soudain, un homme, la quarantaine, un sac de livres à la main, se met à nous parler, et comment avez vous trouvé le salon, demande t-il, et je réponds poliment, ben oui, c'est pas mal, mais il m'interroge plus précidément, et vous quels livres vous ont vraiment frappée ces derniers temps, je réponds, moi vous savez, j'ai lu des romans israéliens, après le reste je ne sais pas trop, il reprend avec emphase, Véronique Ovaldé c'est très bien, ah oui je dis, tiens c'est amusant, vous n'êtes pas le premier à me dire ça, mais tout à fait, je vous en conseille vivement la lecture, répond-il, et nous nous lançons dans une discussion enflammée, mais que faites vous dans la vie, je lui demande, oh moi vous savez, ça n'a rien à voir avec les bouquins, je suis informaticien, et nous parlons comme ça jusqu'à la station Porte d'Orléans devant mes amis hilares, car nous nous trouvons des milliers de points communs, tous les plus farfelus les uns que les autres, moi ma soeur habite Worhmout dit-il, mais c'est incroyable, c'est précisément à Wormhout que vit ma cousine, je réponds, et puis nous parlons de librairies et de Sollers, et là comme tout le tram nous écoute parce que nous parlons fort et que nous rions, même Juliette qui a oublié sa faim, une dame nous regarde en souriant et elle nous lance:


«Moi je trouve qu'à la sortie du Salon du livre, il y a toujours une très bonne ambiance»
.

mardi 18 mars 2008

Ce que portent les femmes






Claire Wolniewicz, je l'avais découverte avec ravissement en 2006, avec Ubiquité, charmant roman qui racontait l'histoire bizarre d'un homme qui ressemble à plein d'autres hommes et qui se retrouve un beau jour avec l'Origine du monde sous le nez (notez que la chose n'a rien de désagréable).

Mais bon, Le temps d'une chute raconte tout autre chose. Ce bref roman nous invite en effet à suivre la vie d'une créatrice de mode, Madelaine Delisle, de ses débuts d'apprentie dans un petit atelier limousin aux grands défilés parisiens. Madelaine traverse, -et c'est passionnant-, les tourments du siècle à travers le prisme de l'élégance; et il est amusant de se souvenir que les vêtements étaient très sombres pendant la seconde guerre mondiale, que le New Look de Christian Dior a été une véritable révolution sociale, et que l'essor du prêt-à-porter a décidément foutu un sacré coup à l'élégance à la française (Et Claire Wolniewicz de rappeler opportunément que Balenciaga avait déclaré en 1968 que «la mode a fait place à la vulgarité, et l'élégance a disparu»).

Et Madelaine ? Pour résumer, on dira que si la belle n'a pas son pareil pour imaginer un boléro en soie, ses relations familiales et amoureuses sont bien plus délicates à tisser..(Attention : ceci est le fracassant début d'une lourdissime métaphore filée.) Et il n'y a pas besoin d'en dire plus pour évoquer Le temps d'une chute, saga vestimentaire habil(l)ement menée par l'écriture claire de Claire. Seul regret : que ces personnages, (Madelaine la première), manquent un peu d'épaisseur (ou d'étoffe, devrai-je dire). Mais on pardonne tout cela à la romancière, parce que Le temps d'une chute a la grâce d'un tourbillon de taffetas et de soieries... serti de remarques assez fines sur le rapport entre la mode et les femmes qui la portent.


Claire Wolniewicz, Le temps d'une chute. Viviane Hamy. 19 euros.

mercredi 12 mars 2008

Bienvenue chez les geeks du New Jersey









Déjà le printemps...Faut dire qu'il s'en est passé des choses en deux mois. Déjà, je suis allée à Rome, à la Villa Médicis, pour enregistrer Denis Podalydès et Alain Finkielkraut. C'était très beau. Et question images, ça a donné à peu près ça :




(Splendide!)







Sinon, j'ai lu plein, plein de romans israéliens, et j'ai retenu Beaufort, de Ron Leshem, et My First Sony, de Benny Barbash; je développerai tout cela très très vite, promis, au moment du Salon du Livre c'est à dire d'ici à la fin de cette semaine. J'ai aussi lu un roman non-israélien, (ça arrive), Le temps d'une chute, de Claire Wolniewicz, très très bien (quel avis original, vraiment ! C'est à pleurer.) C'est que là aussi il va falloir attendre un peu, car aujourd'hui, je viens vous parler de tout autre chose. C'est un film.



C'est le dernier long-métrage de Michel Gondry, Soyez sympas, rembobinez. Jamais vu un titre si idiot. C'est une traduction totalement aberrante du joli titre anglais Be Kind, Rewind (notez le rythme, la rime, tout cela si joli, si délicat, et impitoyablement massacré par cette honteuse traduction française.) C'est l"histoire de deux acolytes complètement ringards du New Jersey qui ont effacé par mégarde toutes les bandes magnétiques des VHS du vidéo club dans lequel ils travaillent; du coup, pour ne pas s'attirer le courroux de leurs trop rares clients, ils s'amusent à filmer de nouveau ces blockbusters...à leur sauce. Mais laissons de côté cette intrigue et revenons au titre. Je vous le dis: moi qui ai travaillé dans un vidéo club à l'adolescence, à l'époque des VHS donc, je peux vous assurer que JAMAIS on n'aurait écrit sur une K7 "Soyez sympas, rembobinez", au risque de se faire INSULTER par les clients pour pratique niaiseuse de la langue française. On aurait utilisé, à la limite, le mutin "Rembobinez moi, merci" ou bien le très administratif "Merci de rembobiner cette K7", ou encore une version un peu "toilettes publiques": "Merci de rendre cette VHS dans l'état dans lequel vous l'avez trouvée".

Alors, bon, certes, Soyez Sympas, Rembobinez, n'a pas de phrases choc en stock du genre "Hein biloute"... mais c'est drôle quand même. Et Jack Black (Rock Academy, High Fidelity) y est, (comme toujours), adorablement grossier; et enfin, même si les bons sentiments y sont rois et l'intrigue faiblarde, je pardonne tout, tout, à Michel Gondry, parce ses parodies "sweded" de Rush Hour, Ghostbusters ou de Robocop, sont délicieuses.

Voilà. Et sinon, je ne résiste pas au plaisir de vous mettre une vidéo de l'un des ses plus beaux clips: Protection, de Massive Attack, tourné dans les années 90. N'oublions pas que Michel Gondry est l'un des plus grands réalisateurs de clips des roaring nineties , c'est-à dire l'époque chouettte de Bjork et de Tricky. Admirez l'habileté avec laquelle il filme, avec "trois fois rien", ce grand groupe qu'est Massive Attack.










A noter que l'on peut retrouver tous les clips de Michel Gondry... dans le très bien fait The Work of Michel Gondry...









Détail : c'est un DVD.