dimanche 20 mai 2007
LE CHARME DISCRET DE QUELQUES SCENES DE LA BOURGEOISIE CONJUGALE
(une comédie mexicaine grinçante)
Vous lisez ce roman, vous en tombez amoureux, vous en tournez passionnément les pages, vous ne pouvez vous arrêter, vous êtes captivé. Tout de suite, vous pensez à l’une de ces comédies de l’Espagnol Alex de la Iglésia, mélangée à un épisode sous acide de Desperate Housewives. Hé bien, à vouloir tout comparer, vous êtes loin du compte. La vie conjugale, de Sergio Pitol, ne ressemble pas vraiment à ceci et vaut bien plus que cela. Explications.
D’abord, parce que ses personnages sont vraiment affreux. On n’a pas du tout envie de ressembler à Jacqueline Lobato, bourgeoise mexicaine qui se pique de littérature et d’archéologie tout en se plaignant constamment de son mari et qui s’ennuie, un verre de champagne à la main. Dans le genre, on préférait la bucolique Emma Bovary qui, elle, au moins, lisait vraiment des romans. Son époux n’est guère mieux : Nicolas Lobato, wannabe grand industriel, ne rêve que d’une chose : bâtir un énorme complexe hôtelier à la Punta Cana en plein cœur du Mexique. Nicolas est une sorte de Monsieur Arpel répugnant que l’on qualifiera plutôt, pour rester poli, de vulgaire. Sergio Pitol ne cherche pas à ce que nous, lecteurs, nous nous comparions à ces affreux êtres humains. Tant mieux.
Et puis, La vie conjugale vaut pour son intrigue : drôle et bien construite. Jacqueline enchaîne les amants et les tentatives de meurtre. Elles échouent toutes. C’est amusant.
Enfin, La vie conjugale ne cherche point à prouver quoi que ce soit sur le roman et l’adultère. J’en veux pour preuve la sobre universalité de son titre.
Mais alors, effrayé, vous vous interrogerez : c’est ça, la vie conjugale ? Non. Ça, c’est un roman.
La vie conjugale, de Sergio Pitol. Traduit de l’espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli. Gallimard, 14,50 euros.