mercredi 28 juin 2006

Usage de faux

Trois véritables écrivains proposent des histoires de vrais faussaires et de fausses vraisemblances




Menteur, menteur


Alors, d’abord, Michel Braudeau. Dans un petit livre, Faussaires éminents, il nous raconte Vrain-Lucas, (le monsieur qui écrivait de fausses lettres de Blaise Pascal à Newton et qui les vendait à un académicien crédule.) Ou bien Hans Van Meegeren, le monsieur qui copiait si bien Vermeer que tout les experts s’y sont trompés.
Michel Braudeau parle aussi d’Orson Welles. Ce monsieur avait annoncé en direct la fin du monde, à la radio, en 1927. (Après, il a fait des films prétentieux, où il jouait à être Orson Welles.)
Bref, dans Faussaires éminents, on apprend autant de choses sur la crédulité des uns que sur la duperie des autres.



Faux-semblants


C’est un peu comme dans le Passe Muraille, de Marcel Aymé. Sauf que là, c’est Ubiquité, de Claire Wolniewicz.
Adam ressemble à tellement de personnes qu’on le confond avec un dentiste, un acteur, ou un pharmacien. Du coup, il saute sur l’occasion quand on le confond avec un trafiquant d’art et il réalise une copie troublante de l’Origine du Monde, de Courbet.(le fameux tableau d’un sexe de femme).
Et Claire Wolniewicz de dérouler une jolie petite intrigue, assez haletante en vérité. On n’apprend que peu de choses sur Adam le Faussaire, ni sur le monde de l’art ; mais on retient son souffle quand Adam, poursuivi par des méchants trafiquants, se retrouve dans une HLM, l’Origine du Monde devant son nez (enfin, façon de parler).
Plaisant et intelligent.




Dans un monde réellement renversé, le faux est un moment du vrai (Guy Debord)

En l’occurrence, Excusez les fautes du copiste est un vrai bon moment.
Comme Adam, ou bien les anti-héros de Braudeau, le héros de Grégoire Polet est peu un raté. Il rate tellement sa vie qu'il dit qu'il est prof de dessin dans une "école de naphtaline", ce qui veut tout dire. Il s'ennuie. Pour offrir un beau piano à sa fille (qui, elle, est talentueuse), voilà qu'il commence à copier des tableaux, d'Emile Claus ou de Wouters.
C'est une vraie histoire belge, qui finit en prison, qu'on suit comme un polar. Et puis, maintenant qu'on a lu Braudeau, voilà qu'on pense à l'histoire de Van Meegeren et Vermeer. Il faut croire que les faussaires sont parfois de bons peintres, mais surtout d'excellents personnages de roman.



Michel Braudeau, Faussaires éminents, Gallimard.
Claire Wolniewicz, Ubiquité, Viviane Hamy.
Grégoire Polet, Excusez les fautes du copiste, Gallimard.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans la lignée de Faussaire éminent il faut signaler un ouvrage paru récemment chez Acte Sud, La double vie de Vermeer de Luigi Guarnieri, roman qui relate la vie de ce personnage hors norme qu'était Hans Van Meergeren (et notamment l’épisode avec Goering, qui ne manque pas de sel). Je connais mal Braudeau (n'ayant lu de lui que Naissance d'une passion, livre que du reste j'ai beaucoup apprécié), mais cet opus-ci à l'air intéressant.

Excusez les fautes du copiste m'a pas mal plu aussi. Mais je l'ai pour ma part comparé avec Le traducteur de Jacques Gélat, paru chez Corti cette année, qui touche aussi à la thématique du faux (mais en littérature uniquement).

En somme, il semble bien que la thématique n’a pas perdu de son intérêt depuis les Faux monnayeurs.

Emma a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Emma a dit…

Oui, merci de le signaler, effectivement j'ai entendu parler de Luigi Guarnieri, mais je ne l'ai pas encore lu. Il faut dire que j'aimerais bien...

AbsNoise a dit…

J'ai réfléchi : je voulais poster un commentaire sur le vrai, le vraisemblable ou le faux. Une réflexion profonde sur la vérité. Et puis non.

J'adore ce que tu as écrit.

Anonyme a dit…

merci mademoiselle Emma de Paris, je cherchais une bioblio sur le vrai-faux, entre vous et les commentaires, la pêche est bonne! Et grand merci à vous de parler des livres.