vendredi 30 novembre 2007

American Beauty








C'est d'abord l'histoire de deux professeurs d'art, sur le campus de Wellington, aux Etats-Unis, qui n'en finissent pas de se détester. D'un côté, Howard Belsey, la cinquantaine fatiguée, gauchiste et un peu bohème; de l'autre, Monty Kipps, Anglo-Jamaïcain impeccable, conservateur et rigoriste. Mais pendant que les deux hommes se livrent une guerre intellectuelle sans merci, leurs femmes et enfants, eux... se rencontrent, s'aiment, se disputent, ou se quittent. Mais gare! De la beauté n'est pas seulement une comédie amoureuse comme les Anglais savent en faire depuis des siècles. C'est aussi une immense saga familiale et sociale, écrite par une fan de E.M Forster, qui aborde sans tabou ni cliché des thèmes délicats : le métissage, l'héritage colonial, ou le rapport à l'art. Enfin, ai-je besoin de préciser que le style vif et lucide de Zadie Smith me réjouit ?

De la beauté, de Zadie Smith. Gallimard, 23,50 euros.

Musique : Judgement Day, de Jim Murple Memorial. Sur l'album Rhythm & blues Jamaïcain. 10 euros.

dimanche 25 novembre 2007

Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri








Ce bref récit au titre intriguant raconte l'histoire troublante d'un enfant-soldat, en 1981 au Liban. C'est celle de l'auteur, Youssef Bazzi, enrôlé trop jeune aux Forces centrales d’intervention du Parti social nationaliste syrien à Beyrouth. Youssef découvrira pendant cinq années la chair : la chair torturée des soldats torturés et des officiers capturés, la chair obscène des prostituées égyptiennes, la chair brûlée des hommes tués par les roquettes. Mais le salut de Youssef viendra par la poésie arabe : c'est par elle que le jeune homme changera son rapport au monde. La poésie au secours de la mort: c'est à la fois vieux comme le monde et éternellement nécessaire. Youssef conclura son récit par ces mots : "Je passe mon baccalauréat. (...) Je suis sorti de la guerre. Sain et sauf."


Youssef Bazzi, Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri, Verticales, 140 p., 14.90 euros.

Musique : Haitian Fight Song, morceau original de Charles Mingus, dans l'album Pithecanthropus Erectus.

samedi 3 novembre 2007

In girum imus nocte et consumimur igni*
















Oui, je sais. "Franchement, il y en a marre de tous ces faux manuels de self help faussement drôles et véritablement cyniques, marre de ces miscellanées à la Ben Schott déclinés à toutes les sauces, tous ces bouquins-à-la-noix-mais-au-marketing-efficace-et-aux-couvertures-soignées, qui occultent la vraie littérature, la vraie de vraie, et qui montrent à quel point l'Art et la Culture sont devenus des objets de dérision et de légèreté".

Vous n'avez pas tort.

Cependant, si vous êtes de ceux qui connaissent mal la philosophie, penchez vous tout de même sur ce livre. Voici pourquoi.

1) Parce qu'il est drôle et instructif à la fois.
Le bouquin fonctionne par mises en situation. Et, à votre grande surprise, voilà qu'il vous conseille, aux moments creux de l'apéro, dans l'unique but de vous rendre intéressant, de lâcher la phrase suivante: "Mon chien est situationniste".
Bon. Passé le moment de stupéfaction, vous vous demanderez, amusé : "D'abord, qu'est ce que le "situationnisme"?
Malheureux! Cette question montre que, décidément, vous n'y connaissez rien. Car, vous expliqueront alors les auteurs de cet ouvrage, le situationnisme n'est PAS un "-isme". Tut-tut. C'est un chouïa vulgaire, les -ismes. Ca fait tout de suite totalitaire. Reprenons, avec les termes ad hoc. Qu'est ce que c'est d'être situ? Et là, sans vous en rendre compte, vous l'apprendrez.

2 ) Parce que vous saurez enfin qui sont les philosophes contemporains à la mode.
Giorgio Agamben, Bernard Stiegler, Barbara Cassin. Peut-être, dans un deuxième temps, les lirez-vous.

3) Parce que dans un troisième temps, vous vous gausserez en découvrant que l'un des livres de Bernard Stiegler, Réenchanter le monde, est inspiré du titre d'une université d'été du Medef.
Ce qui prouve que vous commencez à maîtriser le sujet.



4) Parce que ce Manuel de Survie vous donnera envie de lire de la philosophie.
Au cours de ses pages, vous effleurerez des gens, des courants de pensée, Voltaire, le féminisme, Epicure. Et ensuite, miracle : vous sauterez le pas. Un peu honteux d'avoir lu ce manuel que vous aviez conspué quelques heures auparavant, et conscient de la grandeur de cette noble discipline, vous vous mettrez à lire des vrais ouvrages de philosophie.

5) En fait, vous ne direz plus jamais que la vulgarisation, c'est vraiment trop vulgaire.






Manuel de survie dans les dîners en ville, de Michel Eltchaninoff, et Sven Ortoli. Le Seuil,14 euros.


*In girum imus nocte et consumimur igni est un film français de Guy Debord sorti en 1978, qui décrit la société de consommation et d'aliénation capitaliste, s'appliquant à mettre en évidence la condition d'esclaves modernes. Le titre du film est un palindrome latin signifiant : « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu ».


(source... Wikipédia)