lundi 15 mai 2006
mardi 2 mai 2006
vive le minimalisme
Sur les couvertures des éditions Verticales, il faut le savoir, il n’y a pas de majuscules. C’est comme ça. D'ailleurs, pour illustrer ce parti-pris, cette collection-ci s’intitule Minimales. Cela me rappelle ce poète américain, ee cummings, qui lui non plus ne mettait jamais de majuscules, et qui est mort en 1962 (tiens, comme Marilyn Monroe... Sauf que c’est là leur seul point commun).
Alors, le vif du sujet, c’est Maylis de Kérangal,et son roman ni fleurs ni couronnes. Une petite illustration minimaliste sur la couverture, -des roches et des cendres-, une quatrième de couverture qui parle de «libérer la matérialité physique et poétique du monde». Allons bon, encore un roman-haïku peu ou prou métaphysique ? Un petit laïus sur l’immatérialité du monde et des éléments ?
Eh bien, non.
Cette femme-là sait planter un décor. Elle pourrait faire du reportage, tant elle prend les mots, les associe pour en faire jaillir leur sens, pur, sans jamais écrire de clichés. Finbarr Peary vient au monde, comme elle dit, « gras et splendide, d’une mère à demi-morte et d’un père faible et brutal». Cela vous résume un destin. Elle poursuit sa description, incise quelques phrases. « Des hameaux poitrinaires s’y disputent la boue, la terre et les racines, les poignées d’herbe sale ». Vous l’aurez compris : on est en Irlande au début du siècle, bien avant que les hommes n'y fabriquent des ordinateurs. Finbarr Peary pense à quitter Sugaan et son lot de pochetrons précaires pour tenter sa chance ailleurs, puisque «Sugaan c’était tout et Sugaan c’était le néant».
Mais il faut croire que Finbarr n’en resterait pas là, puisqu’un cargo s’échoue, qu’il rencontre une jeune fille. Une jeune fille de la ville, «enfin, d’une autre ville», dirait Brel.
Avec elle il se livre à un jeu délicieux : le repêchage des naufragés du Lusitania contre quelques livres. Une livre par tête et le jeu macabre commence. L’intrigue, puisqu’il n’y en a pas, se déroule sur une barque dans la nuit glaciale d’Irlande, sans étoiles probablement pour ceux qui aiment les clichés.
On dira juste les mots secs et précis, on dira juste que ce n’est pas de l’autofiction, on dira juste que cette nouvelle lunaire, élémentaire, sculptée et rabotée comme une miniature de bois, est un bien joli objet d’une quatre-vingtaine de pages.
Maintenant, après l’avoir lue, il faut lire la deuxième nouvelle du recueil,sous la cendre. Une expédition au Stromboli, deux hommes, une femme, la cendre, quelques phrases. « Partir demain, quitter cette île qui le trouble et l’étourdit –face noire stérile, face verte féconde-, figure à la fois le surgissement du monde et sa destruction ». Pierre, Clovis et Antonia, le désir et la cendre.
à vous de lire.
Maylis de Kérangal, ni fleurs ni couronnes, éditions Verticales, "minimales", 12 euros.
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